Notre lucidité

Le temps se figeait sous les couvertures de polar. Son corps en symbiose avec le sien dansait au rythme des battements du cœur. Elle n’avait aucun autre choix que celui de s’abandonner aux sensations, aux sentiments, aux frissons. Tout cela à la fois était un raz-de-marée de béatitude ; un rêve éveillé. S’abandonner à lui était doux ; ça, elle le savait depuis le premier baiser. Elle savait que ces bras étaient une immense forteresse de tendresse et de bonté. Ses mains parcourant son corps, apaisant toutes les marques du temps sur son passage : la maladie, les cicatrices, les brûlures. Il n’y avait plus de mal à ses côtés, qu’un baume apaisant, ressourçant pour l’âme. Elle aurait voulu éteindre le soleil, qu’il ne réapparaisse plus jamais à ce moment précis. Le moment précis où ses pensées envolées, laissait place à une sensation enveloppante d’unicité. Avec lui. Elle ne pensait plus, elle ne faisait que ressentir. Ressentir ne tourmente pas. Ressentir n’effraie pas. Il était grand. Il était grand de partout ; de son calme, de sa force, de sa sagesse, de son temps, de sa compassion, de son lit. Il la caressait encore malgré tout. Malgré le tout d’une histoire aux multiples départs et aux cœurs qui s’étiolent. Mais ces mains là avaient maintenant la saveur d’une aurore boréale. S’animant, multicolores, dans tous les sens, pour finalement, à un moment ou à un autre, s’éteindre après un spectacle inoubliable. Elle le savait. Il était une aurore qui s’éteindrait éventuellement, car on ne peut garder éternellement contre soi le cœur de ceux qui désire un ailleurs. Parce qu’il meurt de soif celui qui rêve. Et il rêve grand, l’homme au cœur d’argent. Elle ne possédait pas les rêves, elle ne possédait rien d’autre que sa légèreté. Une légèreté qui s’alourdissait au fil du temps à ces yeux à lui, et peut être aussi à ses yeux à elle. Son regard changeait petit à petit. Elle le sentait. On ne peut conserver le regard amoureux éternellement sur soi de ceux que l’on ne peut abreuver. Elle ressent tout, elle voit tout, elle comprend tout. Elle voit les subtilités de l’amour, elle entend les souffles et observe l’invisibilité des mouvements du corps qui s’expriment en silence. Elle sait quand elle est aimée. Elle sait quand elle ne l’est pas. Elle a lu dans son regard la lassitude. Il avait perdu l’innocence de leur rencontre. Mais il la caressait quand même. Il la désirait probablement encore, mais il était lucide maintenant. Cela la soulageait dans un sens. Sa lucidité, son armure contre elle. Il devait être lucide devant elle afin de ne plus jamais être blessé. Afin de ne plus jamais l’aimer. Sans innocence, l’amour se meurt. Elle, naïve et volontaire, ne pensait ni au futur ni au mal à venir. Le futur n’existant pas. Il était un temps hypothétique. Elle ne se voyait pas sans lui. Penser au futur était anxiogène. Tout savoir. Tout prévoir. Tout parfaitement écrire l’histoire comme cela est parfaitement indiqué. Vivre sans lui. L’amour, elle le ressentait sous les couvertures de polar. Sa quête était ironique. Elle errait. Elle n’avait plus envie de voyager, elle voulait rester dans ses bras jusqu’à temps que la danse se termine. Jusqu’à temps qu’il décide d’éteindre la musique. Mais en attendant, elle avait au fond d’elle une envie inlassable de se donner à lui. De le faire sentir beau. De le faire sentir bien. De le faire sentir vivant. De l’aimer passionnément. Tout cela avant qu’il ne la quitte indéfiniment. Tout était si éphémère. Il pouvait alors venir et partir comme bon lui semble au travers de son corps, de son âme, de son cœur. Elle le laisserait prendre ce qu’il voulait. Elle n’en avait rien à foutre de planifier, de prévoir, de se protéger. Elle le laisserait abandonner tout cela, un jour ou l’autre. Silencieusement, elle priait à un miracle. À une illumination. À une révélation. À un nouveau printemps. Elle souhaitait l’intervention du divin. Elle pensait que si le destin existait, il redessinerait l’histoire pour elle, pour eux. L’amour n’était-il pas rempli de magie ? Mais cette histoire, est-ce que les anges s’en moquaient? Est-ce que l’univers l’entendait ? Est-ce que le ciel la regardait?

Elle était bien naïve et singulière la femme sous les couvertures de polar.

Précédent
Précédent

Claire

Suivant
Suivant

As-tu des enfants?